Skip to content

Énergie solaire photovoltaïque et transition énergétique

Chercheur au CNRS, Daniel Lincot est acteur des recherches dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque depuis 1978, où il a contribué à des avancées significatives. Il est invité pour l’année 2021-2022 sur la chaire Innovation technologique Liliane Bettencourt du Collège de France. La rediffusion de sa leçon inaugurale «Énergie solaire photovoltaïque et transition énergétique» qui s’est tenue le 20 janvier 2022 est maintenant librement accessible.

C’est l’énergie que l’on n’attendait pas, celle qui ne pesait pratiquement rien il y a encore une dizaine d’années et que le début du XXIe siècle a vu éclore et se développer de façon exponentielle. Il s’agit de l’énergie solaire photovoltaïque issue de la transformation de la lumière du soleil, portée par les photons, en énergie électrique. Tout cela directement, sans bruit, sans pièces tournantes, sans vapeur, sans consommation de carburant ou de matériaux, ni usure, lui donnant un caractère unique, voire magique aux yeux de ses premiers témoins, dans l’éventail des moyens classiques de production d’électricité.

Sa découverte remonte à près de deux siècles, en 1839 précisément, lorsque Edmond Becquerel, au Museum national d’histoire naturelle, baigné dans le bouillonnement créatif et d’innovations suivant la découverte de l’électricité et de la photographie, chercha à mesurer l’intensité de la lumière par un signal électrique via un montage de Volta adapté sous éclairement. Il avait 19 ans.

LEÇON INAUGURALE

Il fallut attendre le tournant du siècle pour que de premières cellules solaires voient le jour, que l’effet photoélectrique soit expliqué par A. Einstein en 1905 et attendre encore cinquante ans pour que naissent la technologie moderne des cellules au silicium. Avec les développements associés à la conquête spatiale, le photovoltaïque moderne était né. La théorie, issue de physique quantique, était posée, de nouveaux procédés, de nouveaux matériaux en couches minces émergeaient (GaAs,CdTe, silicium amorphe, Cu(In,Ga)Se2) tandis que les rendements augmentaient sans cesse, avec un bouillonnement créatif et innovant s’amplifiant encore aujourd’hui, avec la découverte de nouvelles filières issues de la chimie comme le photovoltaïque organique ou le pérovskite. Il a cependant fallu attendre le début de ce siècle pour, qu’enfin, le rêve, porté par des générations de scientifiques et d’utopistes de voir le photovoltaïque prendre racine sur terre, se réalise. Grâce à l’impact de politiques publiques de soutien volontaristes, en Allemagne et au Japon en particulier, et aux progrès technologiques, le secteur industriel a pu se mettre en place, d’abord en Europe et ensuite en Chine, consolidant la chaîne de valeur du photovoltaïque et amorçant la réduction des coûts liée au changement d’échelle. Les coûts élevés, barrière infranchissable, étaient enfin battus en brèche, au point que ceux-ci ont baissé d’un facteur 10 en dix ans, et permettent de générer aujourd’hui une électricité compétitive au niveau économique. La progression est telle que l’Agence internationale de l’Énergie parle du « Roi Soleil » pour la qualifier. Le photovoltaïque est de fait devenu la source d’électricité la moins chère au monde.

En parallèle, les capacités de production photovoltaïque explosent au niveau mondial avec des installations annuelles passant de 300 MW en 2000 à 143 GW en 2020 pour une capacité totale s’approchant du seuil symbolique du Térawatt. Dans certains pays, dont l’Allemagne, près de 10 % de l’électricité consommée est d’origine photovoltaïque, pour 2,5 % en France.

L’énergie solaire photovoltaïque est ainsi entrée dans la cour des grands pour contribuer à la transition énergétique. L’abondance de la ressource solaire et sa distribution au niveau mondial font que le potentiel de développement et d’accélération est considérable, allant du local avec les toits des maisons aux grandes installations terrestres ou maritimes. De nombreuses études prospectives prédisent une contribution très élevée dans le mix énergétique à venir en substitution des énergies fossiles.

Ce développement à grande échelle s’accompagne aussi de questions fondamentales concernant la soutenabilité de cette progression au niveau économique et ses impacts environnementaux et sociaux. Il ne pourra se faire que si la technologie photovoltaïque répond à ces critères et s’accompagne d’une acceptabilité sociale portée par l’adhésion des citoyens, le soutien des pouvoirs publics en matière de développement industriel, et d’une éthique tournée vers l’engagement dans la lutte contre le changement climatique.

Au-delà des aspects technologiques, scientifiques, l’analyse approfondie des cycles de vie (ressources, bilan carbone, recyclage…), ce sont donc aussi des éléments culturels, liés à la perception même de la relation de l’humanité avec l’énergie solaire et à la confiance nécessaire, qui détermineront le succès ou non du recours à l’énergie photovoltaïque. Ils stimuleront d’autant plus les efforts de recherche en cours dans les laboratoires du monde entier en lien aussi avec les problématiques complémentaires de stockage, de production d’hydrogène ou autres « carburants solaires », aptes à pallier l’intermittence – heureuse – inhérente à la lumière de notre étoile.

Faire un don

  • 0,00 €
  • à remplir si votre don est fait au titre d'une société