Le droit de l’homme à la science est garanti depuis plus d’un demi-siècle par le droit international, et tient une place importante dans la structure normative et donc juridique de la science. Il demeure toutefois encore méconnu des praticiens et des universitaires. Suite aux diverses recommandations émises récemment en la matière par les organisations internationales, le droit à la science est en voie d’être redécouvert par les chercheurs. Afin de ne pas encourager ceux qui voient en ce droit un « passe-droit » pour toute pratique scientifique ou, au contraire, le remède à tous les maux de l’innovation scientifique, il est important que les juristes des droits de l’homme développent une recherche fondamentale sur les lacunes qui subsistent dans le cadre normatif du droit à la science. La Pre Samantha Besson, titulaire de la chaire Droit international des institutions, a reçu un financement de quatre ans du Fonds national suisse de la recherche scientifique (ou FNS) pour s’attaquer à la plus importante d’entre elles: celle qui concerne la dimension institutionnelle du droit de l’homme à la science. Le projet finance les recherches d’une doctorante à l’Université de Fribourg en Suisse et d’une post-doctorante affiliée à l’Université de Fribourg et au Collège de France.
[Le résumé original du projet de recherche est à retrouver sur le site du FNS]
En bref, le droit de l’homme à la science protège l’intérêt de tout chercheur, mais aussi de toute autre personne, de participer à l’entreprise scientifique (i), d’avoir accès aux bienfaits du progrès scientifique (ii), ainsi que d’être protégée contre les effets négatifs de la science (iii). Les débats publics suscités par les crises sanitaire et climatique récentes comme par le développement rapide des nouvelles technologies en révèlent toute la pertinence. Ils nous rappellent en effet l’importance de garantir l’égalité d’accès à la recherche et à l’innovation scientifiques dans chaque Etat, comme partout dans le monde, mais aussi d’anticiper ensemble les risques et bienfaits des nouvelles technologies pour l’humanité.
Le projet mené par la Pre Samantha Besson propose de s’attaquer à la plus importante des lacunes qui subsistent dans le cadre normatif du droit de l’homme à la science: celle qui concerne sa dimension institutionnelle. Il y a très peu de clarté, en effet, et cela a été confirmé lors de la récente pandémie, sur l’identité des institutions responsables du respect de ce droit, et donc des obligations qui en découlent, qu’il s’agisse d’institutions nationales, infranationales[relatives à un niveau inférieur à celui d’une nation, par exemple régional] ou internationales et publiques ou privées. Il est difficile en outre de déterminer comment coordonner ces différentes institutions à l’échelle universelle afin d’assurer une juste répartition de ces obligations et de ces responsabilités. Et pourtant, contrairement à ce qui vaut pour d’autres droits de l’homme, la coopération institutionnelle internationale est au cœur du respect du droit de l’homme à la science. La justification de leur dimension collective tient à la fois à la portée universelle du bien public qu’est la science et à celle des menaces qui pèsent sur ce bien. Les obligations et responsabilités qui en découlent ne sont donc pas seulement dues par chaque État ou organisation internationale aux personnes relevant de sa juridiction, mais doivent également être considérées comme des obligations et responsabilités collectives que ces institutions doivent assumer ensemble. La coopération internationale en la matière est une condition de faisabilité de la protection des intérêts protégés par le droit de l’homme à la science contre les menaces qui pèsent sur eux, tout autant que de la justice globale de la charge pesant sur chacun des États ou organisations internationales débiteurs des obligations et responsabilités correspondantes.
Le projet propose d’explorer les moyens d’institutionnaliser ces obligations et responsabilités de coopération internationale relatives au droit de l’homme à la science, y compris par la création de nouvelles institutions. Il vise également à combler trois lacunes institutionnelles plus spécifiques : premièrement, les implications institutionnelles nationales et internationales de la science citoyenne et du droit de chacun à une participation égale à la pratique et à l’organisation de la science ; deuxièmement, les dimensions institutionnelles nationales et internationales des obligations d’anticipation des bienfaits, mais aussi des (risques d’)effets négatifs de la science, y compris des devoirs de précaution et de prévention diligentes découlant du droit de l’homme à la science ; et, enfin, les dimensions institutionnelles de l’inclusion dans le champ d’application du droit de l’homme à la science de formes de savoirs dits non occidentaux, locaux ou autochtones.