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« Le temps est une condition d’intelligibilité des phénomènes étudiés »

Dans le cadre du colloque « Avenir : quel temps d’attente ? », qui a eu lieu au Collège de France le 10 mai 2022, nous proposons une retranscription du début du discours d’introduction du Pr Dario Mantovani, titulaire de la chaire Droit, culture et société de la Rome Antique et organisateur scientifique de l’événement. Ce texte est l’occasion de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce colloque et d’amener les différents sujets traités par la suite par les intervenants de la journée.

« Monsieur l’administrateur, chères et chers collègues, mesdames, messieurs,

L’initiative Avenir Commun Durable porte le temps dans son nom, dans le substantif « avenir » bien évidemment, et dans l’adjectif « durable » désignant ce qui est susceptible de durer longtemps. C’est la traduction de la notion anglaise de « sustainable » qui qualifie une configuration de la société humaine qui lui permet d’assurer son maintien. Dans mon imaginaire, cela crée une bonne résonnance avec la musique, me rappelant le « sustain » de la guitare électrique, cette façon de jouer qui consiste à maintenir une note dans le temps. C’est pourtant de la musique de nos vies dont nous parlons ici.

Une réflexion sur le temps nous a donc paru légitime et opportune, d’autant plus que cette dimension constitue un terrain « commun », l’autre terme fort de notre initiative, pour les différentes expertises qui participent à Avenir Commun Durable. Le temps est pour toutes les disciplines une condition d’intelligibilité des phénomènes que nous étudions. Qu’il s’agisse de tracer les variations du matériel génétique à la base de l’évolution des êtres vivants ou de mesurer en physique les interactions entre particules ou au contraire de concevoir les antiparticules comme se propageant à rebours dans le temps ; qu’il s’agisse pour les climatologues d’étudier l’évolution du climat sur le long terme ou pour les juristes de comprendre comment il serait envisageable de protéger les intérêts des générations futures ; qu’il s’agisse pour un économiste d’estimer la durée la plus adaptée pour un investissement dans des conditions d’incertitude liées à la transition énergétique ou encore pour un ministère d’évaluer s’il est raisonnable que les contribuables financent une recherche libre dont les résultats sont par définition imprévisibles et leurs retombées dans l’industrie lentes ; dans tous ces cas, il s’agit sans exception de situer notre questionnement dans le temps. Rien ne serait compréhensible en dehors d’une taxonomie chronologique. Et je n’ai même pas parlé, tant c’est évident, du travail de l’historien.

Le but de notre colloque est donc de réfléchir à ce périmètre commun qui rend possible toutes nos sciences et qui est pourtant si différent pour chacune d’entre elles. A partir, bien entendu, de la traditionnelle distinction des deux dimensions conceptuelles du temps. La première peut être qualifiée d’objective ou de quantitative ; mathématisée elle correspond au paramètre temps utilisé par la science physique. Une autre voie de représentation du temps est subjective et consiste dans l’exploration qualitative de sa perception par l’être humain. Il faut bien reconnaître qu’il existe non pas « le » temps comme forme a priori d’une intuition sensible mais bien une pluralité de temporalités qui diffèrent en fonction des séries empiriques qui sont considérées. Le temps du climat, le temps de l’économie, des particules, des arts… Cette condition que nous pourrions qualifier de polychronie permet de voir certains problèmes et de les catégoriser. Par exemple, le rapport entre le temps long de la science et le temps court de l’information ou encore entre l’urgence et l’ordinaire.

De cette polychronie naît la volonté de mettre en dialogue les expertises dans notre colloque plutôt que de simplement les juxtaposer, et donc de centrer cette journée sur deux idées. D’abord la prévision et ensuite la vision du temps. A propos de la vision, il s’agit d’approfondir la nature du temps et son impact sur la nature des disciplines, c’est-à-dire la façon dont leur objet est pensé en fonction de l’idée du temps qu’elles adoptent, respectivement en métaphysique et en physique, avec Claudine Tiercelin et Serge Haroche. Ensuite dans le champ de l’histoire et du droit avec Patrick Boucheron et Béatrice Parance.

Dialoguer autour de la prévision en revanche consiste au fond à réfléchir à comment prendre des décisions dans un état d’incertitude. Le colloque s’ouvre par une réflexion sur la nature même de la prévision en climatologie mise en rapport et opposée à la prophétie. C’est de la tension entre ces deux pôles que parlent d’un côté Hervé Le Treut et de l’autre Sylvain Piron et Florence Leray. Ensuite, les interventions de Jean-Marie Tarascon et de Christian Gollier portent sur le rapport entre le temps long de la recherche et des innovations technologiques d’une part et des choix économiques, souvent à court terme, d’autre part.

Pour donner à cette volonté de dialogue un cadre adapté, à la fin de chacune des deux séances une table ronde réunit les quatre intervenants. La première est animée par Christian Gollier, premier titulaire de la chaire annuelle Avenir Commun Durable au Collège de France et la seconde par Thierry Derez, président directeur général de Covéa, une entreprise d’assurance dont le travail repose donc sur la probabilité de réalisation du risque dans un temps donné. »

Introduction du Pr Dario Mantovani :

Discours d’accueil du Pr Thomas Römer :

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