Le 21 octobre 2021, le Collège de France a donné son colloque de rentrée sur le thème «Inventer l’Europe». Le Pr Jean-Marie Tarascon a, à cette occasion, livré sa vision de ce que pourrait être l’Europe de l’énergie. Son discours s’appuie sur ses années d’expérience dans son domaine de prédilection, à savoir les batteries et le stockage électrochimique de l’énergie.
[Cet article a été publié à l’occasion de la rediffusion du colloque de rentrée sur France Culture]
Depuis ses débuts avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), l’Europe a placé la question de l’énergie au cœur de son projet d’intégration. Aujourd’hui, cette question revient en force avec les défis posés par le dérèglement climatique. Comment l’Union européenne (UE) peut-elle réussir sa transition énergétique ? Quel modèle de croissance pour les années à venir ? Pour le moment, l’Europe a réussi à mettre en place de nombreux outils fédérateurs comme, récemment, le « Green Deal » qui se veut être « l’homme sur la lune » de l’UE. La preuve incontestée du leadership européen dans la transition énergétique. Si l’Europe atteint son objectif, elle sera le premier continent climatiquement neutre au monde.
Pour y arriver, l’UE a bien compris que les batteries, parmi bien d’autres technologies, auront un rôle à jouer. Elle a lancé en 2019 l’Alliance européenne des batteries dont la mission est de soutenir, face à la suprématie chinoise, une industrie européenne des batteries qui soit à la fois compétitive et durable. Cette alliance s’appuie sur des initiatives nombreuses qui ont su fixer les bonnes directions à suivre. Malheureusement, en pratique, la réalité est plus chaotique. Les différents partenaires semblent parfois plus attirés par la manne financière promise par ces initiatives qu’intéressés par les objectifs à atteindre. Ils arrivent aussi que ces partenaires donnent, in fine, la priorité aux politiques nationales plutôt qu’aux politiques européennes. Or, la concurrence étant mondiale, nous devons agir à l’échelle de l’Europe et non pas d’un seul pays. Autrement, pris isolément, nos efforts seront contre-productifs.
Les pays membres de l’UE misent aujourd’hui sur l’installation de gigafactories en Europe afin de produire massivement des batteries sur leur territoire et réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Asie. Néanmoins, cette politique ne permettra pas de concurrencer la suprématie asiatique. Notre retard est trop grand. Nous devons, pour reprendre la main, anticiper les ruptures technologiques de demain et inventer dès aujourd’hui les batteries du futur. Cette ambition est celle du projet européen Battery 2030+ qui réunit une cinquantaine de partenaires venus de toute l’Europe. En espérant que cette initiative fédératrice, par son ampleur, ne tombera pas dans les travers précédemment énoncés et permettra à l’UE d’assumer efficacement et pleinement sa place dans la géopolitique mondiale des batteries.
Pour appronfondir
Jean-Marie Tarascon développe dans une tribune intitulée “Croiser les savoirs pour un avenir commun durable” les enjeux qui ont amené les professeurs du Collège de France à lancer le projet Avenir Commun Durable, qui a à cœur de faire dialoguer les disciplines et d’alerter sur la nécessité absolue d’agir face aux changements climatiques.